Le vendredi 16 mars de 9h30 à 16h30, Madeleine Pastinelli (CELAT) organise, en collaboration avec le LabCMO, à l’Université Laval, De Koninck, salle 5172, une journée d’étude consacrée à la pluralisation des savoirs et la concurrence des discours. Cette rencontre mêlera conférences et table ronde pour discuter des questions empiriques quant à la façon dont se jouent, en pratiques, les rapports entre différents types de savoirs. Pascal Lardellier, professeur en sciences de l’information et de la communication (Université de Bourgogne), sera l’invité d’honneur de cette journée.
Résumé :
Différents facteurs convergent depuis quelques années pour rendre visibles et audibles des points de vue, des expériences et des formes de savoirs qui étaient autrefois ignorés ou méprisés. En effet, alors que se développe une sensibilité nouvelle à l’idéal de justice cognitive et que le présupposé de l’égalité des intelligences (Rancière 2004) tend à s’imposer dans un nombre toujours plus grand de contextes, on assiste couramment au développement de nouvelles pratiques, expériences et façons de faire mises en œuvre par des institutions ou des groupes afin de reconnaître des formes différentes de savoirs ou de mieux en tenir compte. Ces changements surviennent dans un contexte où les hiérarchies et frontières entre savant et profane s’effritent (Rieffel 2014, Flichy 2010) et où des communautés d’expérience ou des collectifs d’amateurs produisent et partagent des connaissances et interprètent de manière inédite des phénomènes, contestant du même chef les savoirs d’experts ou leur faisant concurrence.
Si les changements en question s’avèrent plus particulièrement prégnants dans certains espaces, notamment ceux qui impliquent des rapports interculturels dans des contextes postcoloniaux et ceux où les usages du numérique ont conduit à une démocratisation de l’accès aux savoirs, des outils permettant d’en produire ou à la formation de communautés d’expérience, les transformations en cause s’inscrivent dans le cadre plus large de la pluralisation de nos sociétés et des luttes pour la reconnaissance qui en résultent et sont susceptibles de toucher une large variété de contextes.
Les mutations en cause ont couramment été abordées sous l’angle de la philosophie politique ou morale, en lien avec leur importance dans le contexte de sociétés plurielles et démocratiques. Au-delà des questions normatives consistant à faire valoir ce que change et permet la reconnaissance de nouvelles formes de savoirs ou des points de vue qui étaient autrefois ignorés, ces mutations soulèvent une multitude de questions empiriques quant à la façon dont se jouent, en pratiques, les rapports entre différents types de savoirs. Dans quels contextes la pluralité des savoirs prend-elle la forme d’une complémentarité des points de vue ou à l’inverse d’une concurrence des perspectives, voire d’une lutte pour asseoir sa légitimité à saisir correctement le réel ? Comment se joue la coexistence en parallèle d’espaces de savoir concurrents, pouvant s’ignorer les uns les autres ? Quelles sont les performances qui permettent en pratique de se faire reconnaître un privilège épistémique ? Quelles sont les balises et limites que les institutions et savoirs experts imposent à la reconnaissance des points de vue à la marge en même temps qu’ils souhaitent les entendre et en tenir compte ? Comment réagissent individuellement et collectivement les experts à la montée en force des nouveaux savoirs qui leur font concurrence ? Par la comparaison de différents terrains et de différents phénomènes, cette journée d’étude devrait permettre d’apporter quelques éléments de réponses à ces questions.