Axes de recherche
Faire monde : les devenirs de la pluralisation
La programmation scientifique du CELAT 2024-2030 « Faire monde : les devenirs de la pluralisation » propose de porter notre regard au-delà des dynamiques socioculturelles qui lient ou opposent les humains ou groupes humains au sein des sociétés pour inclure, dans le spectre de nos recherches, la relation qu’ils entretiennent avec l’écoumène et les mondes autres qu’humains, à savoir toutes les entités – animales, végétales, défuntes, numériques et intangibles. Ce changement amène à penser et à réfléchir autrement aux enjeux du vivre-ensemble, étudiés dans la programmation 2011-2017, et aux processus de pluralisation, observés en 2017-2024, puisqu’il nous invite à tenir compte de l’interdépendance de ces mondes. Faire monde, au singulier, invite à penser et à nommer d’un même souffle la pluralité des modes d’existence et leur rencontre dans une seule et même réalité commune, qui forme un tout composé de multiples mondes. Ainsi, ce n’est pas en forçant la différence à intégrer l’ensemble que nous pourrons réussir à faire monde, mais bien en tissant cet ensemble à partir de la différence. Au lieu d’instituer un vivre-ensemble malgré les différences comme se sont évertuées à le faire les sociétés démocratiques, il s’agit de bâtir un vivre-ensemble à partir de ces mêmes différences. Des tensions entre les mondes à un socle commun, l’objectif de cette programmation sera de saisir comment faire monde peut conduire à une nouvelle manière d’investir la pluralisation et d’éclairer ses devenirs.
Cette programmation invite également les chercheur-ses à engager une posture épistémologique fondée sur la réciprocité et à saisir les manières dont ils et elles contribuent à façonner les mondes autant qu’ils les façonnent et à accepter d’accompagner les transformations qui s’y jouent.
Premier axe: Habiter les mondes. Zones de tension et espaces partagés
Habiter les mondes, c’est s’intéresser à l’espace et au territoire, à la manière dont les entités vivantes s’y inscrivent, s’y identifient et se les approprient de façon harmonieuse ou conflictuelle. C’est envisager, autour d’espaces communs, un système souple permettant la création de conditions de partage et de passages. Cela implique, pour les membres du CELAT, d’interroger les interactions entre l’œcoumène, les mondes humains et autres qu’humains, et d’observer l’osmose qui s’ensuit. Ces liaisons interspécifiques évoluent quand les espaces partagés ne sont plus uniquement physiques, mais aussi virtuels ou spirituels. Se développe une ubiquité des mondes et de notre présence au sein de ceux-ci. L’objectif principal de cet axe est donc de comprendre les nouvelles formes de cohabitation, avec le vivant et l’environnement, dans la ville et avec les mondes intangibles, afin de mettre en lumière les relations et les tensions qui existent au sein de ces mondes et entre ceux-ci.
Deuxième axe: Fédérer les mondes. Justice, citoyenneté et agentivité
Cet axe s’intéresse à la diversification des appartenances, des identités et des modes de vie sous l’angle du développement de communautés d’appartenance, notamment celles dites en marge, de leurs luttes pour la visibilité et la reconnaissance, et des rapports qu’elles entretiennent entre elles et avec les autres. Les devenirs de la pluralisation sont interrogés dans le contexte d’interactions, d’échanges et de pratiques de ces communautés autant que par le biais plus large des cadres politiques et juridiques, des discours médiatiques et des pratiques artistiques, qui jouent tous un rôle dans la composition, la représentation et l’interaction des mondes. L’objectif est ainsi de mettre en lumière les inégalités qui peuvent émerger dans ces différents contextes et d’explorer de nouvelles avenues pour une justice et une citoyenneté culturelles.
Troisième axe: (Re)créer les mondes. Mobiliser les traces et récits pour penser les devenirs mémoriels
Cet axe s’intéresse à la pléthore de traces qui décrivent et créent les mondes. Nous découvrons, produisons et imaginons ces traces, ces marques et marqueurs, ces cicatrices du temps rencontrées autour de nous : dans le sol, dans les archives et les bibliothèques, dans la pierre des bâtiments, sur nos corps, dans les performances artistiques et dans les œuvres d’art, dans la mémoire et les gestes des populations, au sein d’institutions rigoureusement normées, dans les pratiques culturelles vernaculaires comme dans les pratiques médiatiques. L’objectif est de déconstruire et de recomposer les mondes du passé, du présent et du futur, pour déterminer quelles traces et quels récits méritent d’être étudiés, conservés et transmis.